Depuis plus de quatre ans, le journaliste australien Julian Assange est enfermé dans la prison de haute sécurité de Belmarsh au Royaume-Uni. Les États-Unis, où il encourt 175 années de prison, réclament son extradition pour « espionnage ». Aucun gouvernement européen n’a esquissé le moindre geste pour s’opposer à la persécution du fondateur de WikiLeaks.
En publiant plus de 251 000 télégrammes diplomatiques provenant du département d’Etat des Etats-Unis, WikiLeaks a été d’utilité publique en « jetant la lumière sur plusieurs affaires de corruption, scandales diplomatiques et opérations d’espionnage à l’échelle de la planète ». En 2010, le site avait publié plus de 700 000 documents confidentiels sur les activités militaires américaines. Le site de Julian Assange est toujours consulté par des journalistes comme des historiens qui étudient ces crimes.
Avec la publication des documents classifiés américains, sur la guerre d’Irak en avril 2010 (seconde guerre d’Irak « Iraqi freedom ») puis sur la guerre d’Afghanistan en août (« War on Terrorism » de l’administration américaine du président George W. Bush), il a placé dans la lumière les crimes de guerre des États-Unis et de leurs alliés, notamment le Royaume-Uni. Des révélations qui ont déclenché la fureur du Pentagone conduisant au lancement d’une enquête pour « espionnage » contre WikiLeaks et aux tentatives d’arrestation et d’extradition d’Assange.
Dans les révélations de 2010 on trouve notamment une vidéo intitulée Collateral murder (« meurtre collatéral ») filmant le raid aérien (vue depuis la caméra embarquée de l’hélicoptère) du 12 juillet 2007 à Bagdad puis une autre sur la guerre d’Afghanistan en août, révélant au monde les crimes de guerre des États-Unis et de leurs alliés, notamment le Royaume-Uni.
Concernant le raid de 2007, il s’agit d’une frappe aérienne américaine survenue dans le cadre de la guerre d’Irak menée par la coalition alliée, durant laquelle un hélicoptère Apache américain a ouvert le feu au « chain gun » M230 30 mm sur un groupe de personnes, comprenant notamment deux reporters de l’agence Reuters. Au moins 19 personnes ont été tuées au total : 12 personnes dans les deux premiers bombardements, incluant les 2 reporters et 2 enfants blessés, et 7 personnes dans la troisième frappe.
Le site révèle également que les forces militaires alliées en Irak, ont torturé ou tué sans raison des centaines d’Irakiens et met en évidence « de nombreux cas de crimes de guerre qui semblent manifestes de la part des forces américaines, comme le meurtre délibéré de personnes qui tentaient de se rendre » (Selon WikiLeaks, les alliés ont massivement torturé en Irak, L’Express, 23 octobre 2010)
En décembre dernier, dans une lettre ouverte intitulée « Publier n’est pas un crime », cinq médias internationaux, The New York Times, The Guardian, Le Monde, El Pais et Der Spiegel, demandaient au gouvernement américain la fin des poursuites à l’encontre du journaliste d’investigation Julian Assange. Pour être complet rappelons quand même que ces journaux avaient publiquement critiqué « son attitude en 2011 lorsque des versions non censurées des télégrammes diplomatiques ont été rendues publiques ». Leurs protestations et soutiens arrivaient alors bien tardivement après des années de traque et d’assignation à résidence puis de détention. Et au surplus leurs protestations ne semblent pas s’étendre à toutes les formes de répression de la liberté d’expression : rien dans ces médiats par exemple en matière de recherche historique sur une petite période de l’histoire du XXe siècle…
Lire : « Publier n’est pas un crime » – Liberté pour Julien Assange : https://www.partinationalistechretien.com/?p=2307
Après avoir passé un long moment au sein d’une pièce de l’ambassade d’Equateur à Londres où il avait trouvé refuge face aux traques des élites anglo-saxonnes, depuis la fin de la présidence du progressiste et souverainiste Rafal Correa, son destin est encore plus incertain face à l’emprisonnement dont rien pour le moment n’annonce la fin, sans oublier ses problèmes de santé.
Au-delà des questions relatives à la liberté d’expression et à la liberté d’informer que cette affaire soulève, elle est également symptomatique de l’état de servitude du Vieux continent à l’égard de Washington. À travers les poursuites contre Julian Assange, c’est la démarche de WikiLeaks et l’information même du public qui sont menacés : la mise à disposition d’informations d’intérêt public sur les questions de politique étrangère et de « sécurité nationale ».
On notera également la vaste hypocrisie des classes politico-médiatiques en Occident qui ont prit faits et causes pour un obscur opposant russe à Vladimir Poutine (Alexandre Navalny), qui n’a d’ailleurs jamais rien produit d’autres que quelques manifestations faméliques post-électorales à Moscou, et leur silence et indifférence sur le sort de Julien Assange qui a mis au jour les plus vastes mensonges d’États des États-Unis, du Royaume-Uni et leurs affidés sur les crimes de guerres des frappes prétendues « chirurgicales » dont les conséquences étaient minimisées en insignifiants « dégâts collatéraux ».