Entretien exclusif avec l’abbé Du Thail pour Intégralisme organique

Introduction :

Nous avons le plaisir d’annoncer une nouvelle des plus réjouissantes à nos estimés lecteurs. À la suite de l’écoute attentive de l’intervention de monsieur l’abbé Du Thail, accessible via ce lien, et de son relai accompagné de notre propos précédent, nous avons le privilège de nous entretenir avec celui-ci, dans nos colonnes ci-dessous, à propos de son ouvrage en passe de sortir, intitulé “National-socialisme et catholicisme, l’impossible conciliation ?”.

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Questions-réponses :

En préambule, vous accordez une importance primordiale au principe de réalité, qu’il soit ancré dans l’histoire ou non. Quelle motivation vous pousse à mettre en avant ce point ?

ADT – La réalité est une arme de destruction massive contre les idées fausses, et ce n’est pas pour rien si on qualifie la philosophie de saint Thomas d’Aquin de réalisme. La négation du réel pour des raisons idéologiques ou par peur d’un conformisme ambiant nous empêche de regarder les choses telles qu’elles sont, et sans diagnostic juste, comment voudriez-vous trouver le remède adapté?


De plus, vous soulevez une mise en garde contre un conformisme postérieur à la Seconde Guerre mondiale. Quels sont vos motifs derrière cette mise en évidence ?

ADT – Tout le monde reconnaît aujourd’hui que la Première Guerre Mondiale a donné lieu à une propagande ahurissante justement qualifiée de “bourrage de crâne”, dont les perles sont montrées aux collégiens (les balles allemandes qui ne font que des bleus, etc.). Par contre, pour la Seconde Guerre Mondiale, on semble ignorer ce phénomène : en réalité, ce bourrage de crâne eut bien lieu, mais, contrairement au premier, il dure toujours ! Les bobards sur les soldats allemands de 1914 coupant les mains des enfants belges ne sont plus soutenus sérieusement par personne, mais les plus grossières inventions de la propagande de guerre soviétique sont encore enseignées très sérieusement dans les écoles.

Tout se passe comme si cette guerre n’avait jamais cessé, comme si, selon la formule éculée des anti-racistes, « le ventre de la bête immonde est toujours fécond » : la guerre dure toujours dans les esprits, et donc la propagande qui va avec, c’est un phénomène assez unique dans l’Histoire. Napoléon était traité d’ogre par la propagande alliée quand il était au pouvoir, mais déjà dans son exil commençait à devenir une icône légendaire jusque chez ses ennemis anglais. Pour Hitler, c’est inenvisageable : sa diabolisation est absolue et éternelle, et même ceux qui ne croient pas à l’enfer le placent tout de même dedans…

On en arrive, près de 80 ans après la fin de la guerre, à mettre toujours des gens en prison car ils osent ne pas croire en la propagande officielle : aucune personne saine d’esprit qui prendrait deux secondes à réfléchir à ce constat ne peut trouver cela normal ! On a l’étrange impression que toute la société démocratique occidentale repose sur l’Histoire officielle de la Seconde Guerre Mondiale, et que si celle-ci s’avérait fausse, le Système n’y survivrait pas.

Le plus étonnant est que beaucoup des ennemis déclarés de ce Système, notamment dans les milieux catholiques traditionalistes, adoptent sans broncher ces oukases, et se croient très malins en disant qu’il y avait des résistants de droite et des collaborateurs venus de la gauche, prenant comme évident que les premiers sont des héros et les seconds des traîtres et des « salauds ». Les plus courageux défendent la figure du Maréchal Pétain, mais, pour ce faire, ils se sentent obligés de tordre l’Histoire et d’en faire le meilleur agent de Churchill et Roosevelt, plus pro-allié que de Gaulle lui-même ! Et l’on voit ce paradoxe incroyable de gens dénonçant ouvertement la judéo-maçonnerie se mettre dans le même camp qu’elle entre 1939 et 1945…

Ce conformisme affligeant et lâche n’est, parfois sous le couvert d’une intransigeance catholique condamnant le « nazisme païen », qu’une concession à l’esprit du monde, tel que l’entend l’apôtre saint Jean dans son Évangile comme dans ses Épîtres, monde dont on sait très bien qui est le prince.

Le catholique ne doit pas être du monde mais de Dieu, il est dans le monde sans partager son esprit, bien au contraire il doit remplacer cet esprit-là par celui de Dieu, il n’est pas dans le monde pour s’y adapter mais pour le transformer. Il doit défendre la Vérité, à temps et à contretemps, la Vérité religieuse d’abord bien sûr, mais aussi tout ce qui en découle. Lorsque les ennemis de l’Église, car il s’agit bien d’eux, manipulent l’Histoire, le devoir des catholiques est de dévoiler leurs manœuvres perfides, de déchirer les voiles sombres du mensonge pour montrer la lumineuse clarté de la Vérité qui, selon la parole de Notre Seigneur Jésus-Christ, nous rendra libre.


Pouvez-vous identifier des aspects positifs dans les politiques globales des régimes ou mouvements qualifiés de fascistes ou de néo-fascistes ?

ADT – Les régimes ou mouvements qualifiés de « fascistes » ont en commun le double rejet du libéralisme et du communisme pour rechercher une troisième voie : la doctrine sociale de l’Église est parfaitement d’accord avec cela, et, sur ce plan, force est de constater la réussite en général de ces régimes, notamment celle, exceptionnelle, du IIIe Reich. Le rejet de la démocratie parlementaire n’a rien qui puisse choquer au regard d’une philosophie politique thomiste, et est toujours particulièrement salutaire pour se débarrasser d’oligarchies corrompues et, contre l’idéologie égalitariste sous-tendue par la domination du suffrage universel, rappeler le fait qu’une société saine est nécessairement hiérarchisée. Cette remise en cause du libéralisme tant politique qu’économique ne peut qu’être salué comme une divine surprise par un catholique intégral, de même que la lutte contre les forces occultes judéo-maçonniques, fauteurs de ce libéralisme. En bref, c’est le retour de la primauté du bien commun contre les erreurs de 1789 et des « Lumières ».


Si vous deviez aborder la philosophie politique en utilisant le fascisme comme référence, quels sujets spécifiques vous intéresseraient, en référence à l’auteur “mérélien” Louis Le Carpentier que vous avez vous-même mentionné (comparaisons avec le néo-thomisme, notion de l’État moderne, socialisme corporatif, rejet de la démocratie dite chrétienne, liens temporel et spirituel, etc.) ?

ADT – Au risque de vous décevoir sur ce point, je ne compte pas faire carrière de philosophe politique, je suis d’abord un passionné d’Histoire devenu clerc de l’Église catholique, je ne prétends pas à grand-chose de plus. Par ailleurs, ma référence, c’est la doctrine catholique, et c’est à sa lumière que je juge le fascisme comme le reste : quelle que soit ma sympathie pour un régime ou une doctrine politique, un catholique, et surtout un clerc, doit être d’abord du Christ avant d’être de Pierre ou de Paul. Par ailleurs, à titre personnel, si je travaille à acquérir les connaissances philosophiques nécessaires à mon état, je préfère largement la théologie : la philosophie n’est-elle pas, suivant la formule traditionnelle, que la servante de la théologie ?


En tant que père abbé, vous semblez adopter une attitude relativement sceptique ou prudentielle envers certains aspects du national-socialisme allemand, voire du fascisme italien. Sur quels fondements, en particulier, vous appuyez-vous à propos de cette réserve ? Est-ce une position/opposition déclarée au nom dudit catholicisme intégral ?

ADT – Toutes les critiques ou réserves que je peux émettre sur le national-socialisme allemand et le fascisme italien ne sont faites qu’à la lumière de la doctrine catholique, elle est mon seul critère de jugement : ce ne sont pas « mes » critiques ou « mes » réserves, mais les critiques ou les réserves que doit faire tout catholique. Quelle que soit la bienveillance que l’on peut ressentir pour ces régimes, un catholique ne peut accepter ni la divinisation de la race ni la divinisation de l’État. Ceci étant dit, faire de moi un militant antifasciste relèverait du tour de force, voire de la blague : les catholiques qui ont soutenu ces régimes-là ou se sont alliés à eux partageaient parfaitement ces réserves, donc si l’on veut je suis aussi antinazi qu’un Mgr Hudal, qu’un Mgr Tiso ou qu’un José Streel, le penseur du rexisme fusillé pour collaboration en 1946…


Il semble y avoir une augmentation du nombre de personnes cherchant la vérité sur cette période historique, même si, parallèlement, cette recherche est de plus en plus combattue ou contestée. Devrions-nous nous réjouir de cette tendance générale, passionnée mais passionnante ?

ADT – Bien sûr qu’il faut s’en réjouir, et l’encourager, chacun selon nos moyens. Le mur du mensonge ne peut que se fissurer au fur et à mesure du temps, tôt ou tard il s’écroulera. Internet et les réseaux sociaux font beaucoup pour cela, et quand on pense ce qu’a pu avoir comme impact un humoriste métis venu de la gauche comme Dieudonné en affichant son amitié avec Robert Faurisson, en le faisant monter sur scène et en faisant même des sketchs avec lui, qui aurait pu imaginer cela quand ce même humoriste se présentait aux élections, quelques années plus tôt, pour combattre le Front National ? Le désespoir en politique est une sottise absolue, disait Charles Maurras, et, comme le disait Léon Degrelle, « on peut avoir un jour de grandes surprises ».


Sur un sujet connexe, mais non moins pertinent et sans vouloir trop empiéter sur votre sphère privée : pourriez-vous nous partager vos opinions actuelles sur ce que les traditionalistes nomment, peut-être maladroitement, la “crise de l’Église” * ? Comment justifiez-vous ces positions dans un contexte décrit comme “conciliaire” ? Et en conséquence, est-il possible d’être à la fois un catholique traditionnel et d’adhérer à des idéologies fascisantes ?

* À notre connaissance, L’Église ne peut être en « crise » (sic), car Elle est parfaite sur un plan surnaturel. À la limite, ce sont ses fidèles d’intentions/de foi, qui se retrouvent dans une situation délicate en ce qui concerne l’autorité, comme en témoignent, dernièrement, les différends tels que la bénédiction LGBT de François-Bergoglio par rapport aux positions des diocèses africains, et dans le temps, la fragmentation des traditionalistes en groupes plus ou moins organisés/acéphales.

ADT – Votre remarque sur le terme « crise de l’Église » est tout à fait pertinent : l’Église, c’est le Christ, or celui-ci n’est jamais en « crise » ! Mais il est évidemment question ici de la crise profonde que connaît la partie militante de l’Église, celle qui est sur terre, et plus exactement les hommes qui la composent. La situation actuelle se rapproche par bien des aspects de la crise arienne du IVe siècle : de même qu’à l’époque la plupart des évêques étaient ariens ou semi-ariens, la majorité des évêques actuels sont modernistes ou semi-modernistes, avec toute la gamme existante entre le semi-moderniste inconscient, catholique quasiment sur tout sauf sur la liberté religieuse et le judaïsme car il suit naïvement les papes conciliaires, et le moderniste assumé, impénitent et en rupture délibérée avec la Tradition, pour lequel Vatican II est déjà complètement dépassé et qui rêve d’une église arc-en-ciel, tout comme il y avait cent nuances de semi-arianisme… Mais malgré ce chaos commun aux deux périodes, celle d’aujourd’hui a la douloureuse originalité de connaître ces errements jusque sur son siège suprême, avec une succession de papes conciliaires plus ou moins libéraux et semi-modernistes : là où, au IVe siècle, seul un Libère avait condamné Saint Athanase, au XXe siècle Paul VI et Jean-Paul II furent en parfaite continuité dans la condamnation de Mgr Lefebvre, qui attend encore sa réhabilitation. La question qui se pose devant cette terrible crise qui touche toutes les facettes de la vie de l’Église (la doctrine, la liturgie, l’apostolat, etc.) est l’attitude que doit avoir le catholique voulant rester fidèle à sa foi, c’est-à-dire à 2000 ans de religion catholique.

Là-dessus, j’ai bien peur que le livre que j’ai coécrit avec Bruno Hirout intitulé Contre le sédévacantisme ait été mal compris, et je demanderai à ce qui croit savoir ce que je pense de relire ce que j’écris, notamment dans ma conclusion, dont je me permets de citer un extrait : « Nous ne prétendons pas ici condamner les sédévacantistes, nous n’avons aucune autorité pour cela et, même si nous l’avions, ils ne seraient pas les premiers auxquels il faudrait s’en prendre, n’étant que les victimes de la subversion moderniste de l’Église. Mais eux non plus n’ont aucune autorité pour nous condamner, leur doctrine est une opinion que nous ne partageons pas, et nous avons expliqué pourquoi, mais nous ne nous trompons pas non plus d’ennemi, ne voulant pas imiter certains d’entre eux, qui préfèrent avoir pour but de « détruire la Fraternité Saint-Pie X » plutôt que de s’en prendre aux hérétiques, aux apostats, aux pédérastes qui pourrissent la structure visible de notre Sainte Église. »

Si l’on me demande l’attitude que l’on doit avoir dans la situation actuelle vis-à-vis des autorités officielles de l’Église, cela dépend de beaucoup de choses : incontestablement, le motu proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI en 2007 a fait beaucoup de bien en sortant la Tradition du ghetto et en la faisant connaître à des gens qui lui seraient restés étrangers sans cela, ce qui a pu avoir l’air de donner raison aux « ralliés » ; pour autant, la Fraternité Saint-Pie X reste le vaisseau amiral de la Tradition, et, quelles que soient les critiques que l’on peut faire envers sa gouvernance, n’importe quel catholique conscient et sain d’esprit ne peut que se réjouir de son nombre de prêtres et de fidèles à travers le monde entier, et, avec le recul, on peut se féliciter qu’elle n’ait finalement pas accepté les conditions doctrinales exigées du Vatican pour sa régularisation ; même le modeste courant dit de la « Résistance » ou de la « Fidélité » a aussi son intérêt, et apporte notamment une parole publique claire qui manque malheureusement trop souvent aux deux courants précédents, comme on a pu le voir au moment du Covid. Qui a raison entre ces différents courants ? Je me sens bien incapable de trancher définitivement, et je préfère me réjouir des succès que les uns et les autres peuvent rencontrer, tout en étant conscient des faiblesses ou des lacunes ici et là, l’un n’empêchant pas l’autre.

Je conclurai sur le sujet par un texte de Mgr Williamson cité dans le livre en question : « Mais lorsque le pape est ainsi frappé, les brebis sont si inévitablement dispersées que, quelle que soit la recette à laquelle elles tiennent, pourvu qu’elles veuillent sincèrement être catholiques, Dieu exerce envers chacune d’elles une tolérance évidente. Et les catholiques, plutôt que de jouer à Dieu en s’excommuniant mutuellement, feront mieux, en général, d’imiter Dieu en étant indulgents les uns envers les autres (Gal 6, 10), jusqu’à ce que Dieu juge bon de mettre fin à la crise. Non que la Vérité n’ait pas d’importance, bien au contraire, car il faut bien qu’il y ait quelqu’un qui la protège dans l’Église, mais en l’absence d’une Autorité qui remplisse sa fonction, les catholiques sont bien moins coupables s’ils ne la trouvent pas. »

Pour répondre à votre seconde question sur la possibilité pour un catholique traditionnel d’adhérer à des « idéologies fascisantes », la réponse me paraît être évidente : oui, bien sûr, mais quand il voit une contradiction entre ce qu’enseigne (traditionnellement bien sûr) l’Église et ce que dit l’idéologie en question, il doit toujours prendre parti pour l’Église, et ne doit surtout pas tomber dans l’écueil de croire qu’il faudrait réviser la doctrine catholique sur tel ou tel point car, là-dessus, elle n’aurait pas compris, ce qui le ferait dériver tôt ou tard vers une forme de modernisme. Il ne faut pas croire qu’il s’agisse d’un danger purement théorique, je pense à l’exemple d’un prêtre allemand national-socialiste, l’abbé Haeuser, qui en est venu à remettre en cause des pans entiers de la doctrine catholique (notamment sur l’humilité, la chasteté, etc.). Ceci étant dit, si en appliquant la règle ci-dessus énoncée, on en arrive à vider complètement l’idéologie de sa substance et à ne plus être d’accord avec l’essentiel, c’est que celle-ci est incompatible avec la foi catholique ; s’il ne s’agit que de questions annexes et que l’essentiel est conservé, il faut défendre cet essentiel et se débarrasser au fur et à mesure des quelques erreurs annexes, quitte à les tolérer (ce qui n’est pas accepter, encore moins partager) chez les autres dans un premier temps.


Enfin : pourriez-vous nous indiquer où nous pouvons commander votre livre et en quoi celui- ci apporte une contribution distincte au domaine de la littérature fascisante préexistante, tant historique que contemporaine ?

Mon livre est disponible pour 20 euros sur le site des éditions Saint Barthélémy (Editions Saint Barthélemy – Tous nos ouvrages sont imprimés en France. (editionssaintbarthelemy.fr) : tant que vous êtes sur ce site, vous pourrez découvrir aussi les autres ouvrages publiés par ces éditions, tous très intéressants.

La contribution que j’apporte se veut une synthèse à la fois historique et doctrinale sur les rapports entre national-socialisme et catholicisme : je n’invente rien, je n’ai pas fait de découvertes extraordinaires, si ce n’est celle de la vérité sur la question dans toute sa complexité. Celui qui cherche une réponse simple sera sûrement déçu, car la réponse, pour être vraie, ne peut pas être noire ou blanche : il s’agit plutôt de chercher la bonne nuance de gris. Je suis néanmoins assez fier de mettre autant de matériel à disposition pour tous ceux qui s’intéressent au sujet, et qui ainsi, même s’ils n’ont pas la même conclusion que moi, auront maintenant à portée de main beaucoup plus d’éléments pour se faire leur avis.

Merci encore de nous avoir accordé cet entretien !

Source : htpps://integralisme-organique.com

Voir également vidéo : Réponse Deus Vult aux mensonges de Pierre Hillard au sujet d’un Hitler anti-chrétien

Marie et Jésus, une peinture attribuée à Adolf Hitler

Voir également : Est-ce païen ? Discours de Joseph Goebbels, 4 décembre 1935 (vidéo)

Voir également : Programme PNC

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