Si l’on doit juger de la qualité d’un écrivain, d’un penseur, d’un philosophe à sa capacité à analyser le présent, à débusquer les mensonges et à décrypter l’avenir, assurément Maurice Bardèche qui nous a quittés le 30 juillet 1998, dans sa quatre-vingt-neuvième année, est grand. Très grand.

Marcel Signac, dans le remarquable article qu’il lui a consacré dans RIVAROL au moment de sa disparition (numéro du 4/9/98), a pu écrire qu’il était « notre Sartre ».

Rien n’est plus juste en effet.

Mais un Sartre qui, lui, a été lucide, n’a pas cédé aux modes et a donc vécu dans la gêne (voir son récit Suzanne et le taudis, où il sourit de son impécuniosité) et une quasi-obscurité.

Cinquante ans de combats politiques

De fait, lorsque l’on relit la plume à la main tous ses essais politiques, on est frappé non seulement par la rigueur de sa pensée, la fermeté de sa doctrine, la clarté de son style mais aussi par son implacable lucidité. A n’en pas douter, Bardèche fut un visionnaire. Et c’est d’autant plus extraordinaire que rien ne destinait ce brillant normalien, agrégé de lettres, titulaire d’une chaire à la Sorbonne puis à l’université de Lille pendant l’Occupation, spécialiste de Balzac auquel il consacra sa thèse puis de nombreux autres travaux, à s’engager totalement dans le combat politique et journalistique. On le sait, c’est l’odieux assassinat de son beau-frère Robert Brasillach victime le 6 février 1945 de l’épuration gaulliste qui le conduisit à devenir un militant politique. Par l’action mais surtout par la plume.

Le Mouvement social européen qu’il a fondé à Malmö en 1951 n’a pas eu de lendemains car les circonstances politiques ne permettaient pas la création de mouvements d’opposition radicaux reposant sur des principes différents de ceux qui avaient été instaurés en 1945 par les vainqueurs et qui ont servi de fondement à la rééducation démocratique entreprise en Europe.

En revanche Bardèche, ayant été chassé de l’Université, s’assura une toute indépendance et écrivit librement, ce qui n’était déjà pas simple au lendemain de la guerre, fonda une petite maison d’édition, les Sept Couleurs (1948-1978), puis un mensuel, Défense de l’Occident (1951-1982) qu’il dirigea trente ans durant.

Il se fit connaître en 1947 par un livre qui eut aussitôt un très grand succès : la Lettre à François Mauriac qui, pour la première fois depuis la Libération, attaquait avec une extrême virulence la législation de l’épuration au nom du devoir, de la discipline et de l’unité nationale en temps de guerre. Dans le tome 1 de son Dictionnaire de la politique française (1967), Henry Coston écrit :

« 80.000 exemplaires de l’ouvrage furent vendus en quelques semaines et ce livre fut le point de départ de la littérature d’opposition à la Résistance ».

Le monde démocratique à perpétuité

L’année suivante, en 1948, Bardèche applique les mêmes principes au tribunal militaire internationale de Nuremberg. Ce livre, Nuremberg ou la terre promise, qu’on peut à bon droit considérer comme l’ancêtre des ouvrages révisionnistes, n’a rien perdu de sa pertinence ni de son actualité soixante ans après.

 

Alors qu’une législation d’exception, la loi Gayssot, qui a aujourd’hui son équivalent dans presque tous les autres pays d’Europe et d’Occident, se réclame explicitement du jugement de Nuremberg pour traquer tous ceux qui refusent de faire leur la version officielle et obligatoire de la Seconde Guerre mondiale et que l’on ne compte plus les historiens révisionnistes aujourd’hui embastillés ou en clandestinité, on ne peut qu’être émerveillé de voir à quel point, dès 1948, Bardèche avait tout compris, analysant parfaitement les conséquences politiques et morales de Nuremberg :

« La condamnation du parti national-socialiste va beaucoup plus loin qu’elle n’en a l’air. Elle atteint, en réalité, toutes les formes solides, toutes les formes géologiques de la vie politique. Toute nation, tout parti qui se souviennent du sol, de la tradition, du métier sont suspects.

Quiconque se réclame du droit du premier occupant et atteste des choses aussi évidentes que la propriété de la cité offense une morale universelle qui nie le droit des peuples à rédiger leurs lois. Ce n’est pas seulement les Allemands seulement, c’est nous tous qui sommes dépossédés. Nul n’a plus le droit de s’asseoir dans son champ et de dire: « Cette terre est à moi ». Nul n’a plus le droit de se lever dans la cité et de dire: « Nous sommes les anciens, nous avons bâti les maisons de cette ville, que celui qui ne veut pas obéir aux lois sorte de chez moi ». Il est écrit maintenant qu’un concile d’êtres impalpables a le pouvoir de connaître ce qui se passe dans nos maisons et dans nos villes. Crimes contre l’humanité: cette loi est bonne, celle-ci n’est pas bonne. La civilisation a un droit de veto. »

Lire également : Sur le front de la répression antirévisionniste et antinationaliste : Reynouard, Bender, Benedetti, Haverbeck… : https://www.partinationalistechretien.com/?p=2289

Bardèche va jusqu’à prévoir, toujours dans Nuremberg ou la terre promise, la perte de nos défenses immunitaires, la suppression des frontières, la caducité de la distinction entre le national et l’étranger, l’explosion de la cellule familiale et prédit même, plus d’un demi-siècle avant l’euro, la mise en circulation d’une monnaie unique sur le continent européen :

« Nous vivions jusqu’ici dans un univers solide dont les générations avaient déposé l’une après l’autre les stratifications. Tout était clair: le père était le père, la loi était la loi, l’étranger était l’étranger. On avait le droit de dire que la loi était dure, mais elle était la loi. Aujourd’hui ces bases certaines de la vie politique sont frappées d’anathème. Car ces vérités constituent le programme d’un parti raciste condamné au tribunal de l’humanité. En échange, l’étranger nous recommande un univers selon ses rêves. Il n’y a plus de frontières, il n’y a plus de cités. D’un bout à l’autre du continent, les lois sont les mêmes, et aussi les passeports, et aussi les monnaies. »

Et lorsque l’on a en tête la diabolisation dont a été victime pendant 25 ans le Front national et qui a culminé entre les deux tours de la présidentielle de 2002, et que l’on a vu également à l’œuvre en Autriche contre Haider en 2000, on en comprend les ressorts, la logique et les mécanismes terrifiants en (re)lisant Nuremberg ou la Terre promise :

« Le monde est désormais démocratique à perpétuité. Il est démocratique par décision de justice. Désormais un précédent judiciaire pèse sur toute espèce de renaissance nationale. (…) La décision de Nuremberg consiste à faire une sélection préalable entre les partis. Les uns sont légitimes et les autres suspects. Les uns sont dans la ligne de l’esprit démocratique et ils ont le droit en conséquence de prendre le pouvoir et d’avoir un plan concerté, car on est sûr que ce plan concerté ne menacera jamais la démocratie et la paix. Les autres, au contraire, n’ont pas le droit au pouvoir et par conséquent, il est inutile qu’ils existent: il est entendu qu’ils contiennent en germe toutes sortes de crimes contre la paix et l’humanité. (…) »

Lire : DGEQ : Refus de reconnaître officiellement le PNC – Objections et commentaires : https://www.partinationalistechretien.com/?p=1749

Le détestable principe d’ingérence

Avant même que Kouchner n’évoque ad nauseam le droit d’ingérence pour violer l’indépendance et la souveraineté des États, comme ce fut le cas en Irak et en Serbie, Bardèche voit à l’œuvre dans le jugement de Nuremberg un redoutable principe d’ingérence :

« Il y a dans ce simple énoncé (de sélection préalable entre les partis démocratiques et ceux qui sont suspects de ne pas l’être) un principe d’ingérence. Or, cette ingérence a ceci de particulier qu’elle ne traduit pas, ou du moins ne semble pas traduire une volonté identifiable. Ce n’est pas telle grande puissance en particulier ou tel groupe de grandes puissances qui s’oppose à la reconstitution des mouvements nationalistes, c’est une entité beaucoup plus vague, c’est une entéléchie sans pouvoir ni bureaux, c’est la conscience de l’Humanité. « Nous ne voulons pas revoir cela » dit la conscience de l’Humanité. Cela, personne ne sait exactement ce que c’est. Mais cette voix de l’humanité est bien commode. Cette puissance anonyme n’est qu’un principe d’impuissance. Elle n’impose rien, elle ne prétend rien imposer. Qu’un mouvement analogue au national-socialisme se reconstitue demain (…), la conscience universelle approuvera tout gouvernement qui prononcerait l’interdiction d’un tel parti, ou, pour sa commodité, de tout parti qu’il accuserait de ressembler au national-socialisme. Toute résurrection nationale, toute politique de l’énergie ou simplement de la propreté, est ainsi frappée de suspicion… Qui a fait cela? C’est Personne comme criait le Cyclope. Le super-État n’existe pas, mais les vetos du super-État existent: ils sont dans le verdict de Nuremberg. Le super-État fait le mal qu’il peut faire avant d’être capable de rendre des services. Le mal qu’il peut faire, c’est de nous désarmer contre tout, contre ses ennemis aussi bien que contre les nôtres. »

Un régime de désarmement moral

C’est que, pour Bardèche, la démocratie est par essence un régime de désarmement moral qui favorise les invasions externes et les subversions internes et qui est inséparable du règne de la médiocrité et de toutes les bassesses. C’est ainsi que, dans un autre de ses essais, Qu’est-ce que le fascisme ? (1962), il dénonce magistralement la fausse conception de la liberté des régimes démocratiques et les conséquences désastreuses qu’elle induit :

«  La liberté anarchique des démocraties n’a pas seulement permis le détournement de la volonté populaire et son exploitation au profit d’intérêts privés (…). 

Elle nous fait une vie ouverte de toutes parts à toutes les inondations, à tous les miasmes, à tous les vents fétides, sans digue contre la décadence, l’exportation et surtout la médiocrité. 

Elle nous fait vivre dans une steppe que tout peut envahir. (…) Les monstres font leur nid dans cette steppe, les rats, les crapauds, les serpents la transforment en cloaque. Ce pullulement a le droit de croître, comme toutes autres orties et chiendents. La liberté, c’est l’importation de n’importe quoi… L’apparition d’une race adultère dans une nation est le véritable génocide moderne et les démocraties le favorisent systématiquement. »

On le voit, bien avant même le développement d’une immigration planétaire, Bardèche avait décrit, dès 1962, ce phénomène de submersion migratoire qui trouve son principe dans l’amoralisme, la mollesse, l’égalitarisme et la licence des régimes démocratiques. Lesquels favorisent le règne des bas instincts, assurent le triomphe de l’hédonisme, de l’individualisme, du subjectivisme, de l’égocentrisme au détriment du bien commun.

Ce qu’en dit Bardèche est lumineux et revêt une force incroyable surtout en ce quarantième anniversaire de Mai-68 qui accéléra le processus de décadence et de subversion, promut toutes les déviances, déboucha sur un océan de scepticisme et de nihilisme :

La médiocrité monte comme un empoisonnement insidieux dans ces peuples qu’on gave d’instruction sans jamais leur donner un but et un idéal. Elle est la lèpre des âmes de notre temps. Personne ne croit à rien, tout le monde a peur d’être dupe ».

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La démocratie ne se maintient en effet que par d’incessantes manipulations, le règne du mensonge et des apparences et ne prospère que sur le vice, la paresse, l’envie :

« L’Etat démocratique ne distribue de tâche à personne, il ne donne qu’une voix creuse, une liberté sans contenu, sans visage, qu’on dilapide en jouissances miteuses. Chacun est enfermé dans son égoïsme. Et chacun voit avec dégoût chez son voisin sa propre image et l’image de son triste bonheur. Et ils regardent avec haine ces miroirs de leurs misères ».

II n’y a rien à changer à ce diagnostic cinquante ans plus tard. Notre monde est profondément laid et repoussant: médiocrité des modes alimentaires et vestimentaires, pauvreté du langage, vulgarité des comportements, désinvolture vis-à-vis de la vérité, ruine du savoir et de la vertu, absence de vie intérieure. Le mal analysé par Bardèche n’a fait qu’empirer en un demi-siècle. C’est qu’au fond « la démocratie ne connaît que les diplômes. (Et en croire ceux-ci sont-ils aujourd’hui bien dévalués !) La démocratie distribue des prix d’excellence, elle met ses bons élèves au Panthéon : mais, en cent ans, elle n’a pas produit un seul héros ». Qui en effet donnerait sa vie pour les Grands Ancêtres ou la Déclaration des droits de l’homme ? Qui se sacrifierait pour le triomphe de la démocratie ?

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Discipline et énergie nationales

Que faut-il alors proposer aux hommes de notre temps pour qu’ils tournent le dos aux chimères démocratiques et qu’ils s’arrachent à la pesanteur du système matérialiste, hédoniste et individualiste qui nous étouffe et nous pollue ? Bardèche voit dans le nationalisme, et plus précisément dans le fascisme, mais un fascisme adapté à notre temps et revisité, réactualisé, débarrassé des erreurs et des fautes qu’il a pu commettre naguère, le moyen de redonner un idéal à des hommes dont les convictions sont évanescentes, les principes faussés, les idéaux absents :

« Le destin des hommes peut encore être une raison de vivre. Si nos vies sont condamnées à la nuit, la joie de construire, la joie de se dévouer, la joie d’aimer, et aussi le sentiment d’avoir fait loyalement notre métier d’homme, sont encore l’ancre à laquelle nous pouvons nous attacher. Ces avenues qu’on se trace pour soi, c’est elles qui ont sauvé les hommes de notre temps qui ne se résignaient pas à la médiocrité et au dégoût… Le fascisme véritable consiste précisément à associer toute la nation à cette œuvre, à la mobiliser tout entière pour elle, à faire de chacun de ceux qui travaillent un pionnier et un soldat de cette tâche et à lui donner ainsi cette fierté d’avoir combattu à son rang… C’est un signe d’abâtardissement lorsque le culte d’un homme est substitué à la tâche à accomplir et lorsque la nation n’est plus nourrie que de paroles, d’autorité sans programme, de portraits en guise de principes : elle n’est plus alors qu’un âne qu’un gendarme traîne derrière lui ».

« La discipline d’une nation est une arme qui se forge comme la discipline d’une armée, c’est entendu, c’est un trésor qu’on doit protéger, mais c ‘est aussi et c’est surtout la récompense des hommes qui se donnent tout entiers à leur tâche et qui sont eux-mêmes l’exemple du courage, du désintéressement et de l’honnêteté. »

Pour arriver à leurs fins encore faut-il que les nationalistes ne composent pas avec le régime, ne se laissent pas séduire ou posséder par lui.

Le refus des concessions et des pièges

Dans Les Temps modernes (1952), le beau-frère de Brasillach sait viser juste en dénonçant le piège de l’union sacrée :

« Il y a trop longtemps que tout ce qui est nationaliste en France tombe toujours dans le même piège que lui tendent la fidélité et la tendresse. Quand les nationalistes ont multiplié pendant des années les avertissements et les admonestations, quand ils ont dénoncé les fautes du régime et qu’ils ont montré que la nation devait se séparer coûte que coûte des hommes qui la conduisent à sa perte, quand le drame qu’ils ont prévu, annoncé, éclate : alors, à ce moment, les hommes du régime cherchent invariablement à se sauver en proclamant que la défense de la nation s’identifie avec la défense du régime et que frapper le régime c’est frapper la patrie. A ce moment, les hommes de la nation devraient refuser implacablement cette identité menteuse par laquelle ils s’associent en réalité à l’assassinat de la patrie. 

Ils ne peuvent sauver l’avenir de la nation elle-même qu’en exigeant une abdication préalable et en fondant le redressement national non sur les causes qui ont provoqué la défaite et qui ne pourront qu’en provoquer d’autres, mais sur les leçons de la défaite elle-même qui exigent qu ‘on suive des routes nouvelles avec des hommes différents.

« Ce n’est pas ce qu’ils font, hélas, ce n’est jamais ce qu’ils font. Ils n’écoutent que leur cœur, ils ne voient que la patrie sanglante : et ils donnent, tête baissée, dans le panneau de l’union sacrée, offrant à des adversaires qui n’ont pas changé la caution de leur présence et l’appui précieux de leur sacrifice. (…) Les républicains ont souhaité Sedan et ils ont applaudi Sedan, les bolcheviks ont provoqué l’écroulement du front russe et ils ont signé la paix de Brest-Litovsk, les résistants ont salué le bombardement de nos villes et ils ont voulu la guerre civile : et nous, nous ne souhaiterons jamais Sedan et nous n’accepterons pas Brest-Litovsk et nous n ‘appellerons pas la guerre civile : aussi les républicains, les bolcheviks et les résistants se sont-ils finalement installés au pouvoir sur ces ruines que nous repoussons. (…)

« Si la France doit pouvoir compter sur nous, parce que nous sommes des nationalistes (…), chaque fois que ses intérêts essentiels et en particulier l’intégrité de son territoire sont en jeu, ne perdons jamais de vue cependant que l’essentiel, dans l’intérêt de la patrie elle- même, c’est que le régime actuel disparaisse : notre devoir de nationaliste est, par conséquent, de saisir chaque occasion, chaque revers, chaque tournant de l’histoire, pour le frapper. C’est en portant constamment cette pensée avec nous que nous saisirons un jour l’instant offert par l’histoire, la brève trouée par laquelle pourra passer notre renaissance. Il n’est pas vrai qu’une fatalité historique emporte les peuples comme un fleuve vers leur perte. Ce sont les peuples qui font leur destin. Ils le font comme les hommes par la volonté et le courage. Regagnons la disposition de notre volonté et nous regagnerons aussi un avenir. »

La nécessité d’une foi et d’un idéal

Mais quel est donc pour Bardèche l’État à construire ? « Le meilleur des États serait celui dont Sparte fournirait l’armure et les Sudistes la pensée » note Bardèche dans son dernier essai Sparte et les Sudistes (1967) où il donne également de précieux conseils pour constituer un groupement politique nationaliste dans le monde d’aujourd’hui.

« Pour former des hommes, un groupe politique doit porter une idée, combattre, exiger. Des partis croient assurément être conformes à ce programme : c’est parce qu’ils ne donnent pas aux mots le sens que je leur donne. Porter une idée, c’est posséder une certaine idée de l’homme, de la société, de la morale, qui inspire à la fois la conduite qu’on adopte et les jugements qu’on porte sur les hommes et les événements. 

Tous les partis croient effectivement porter une idée. Mais comme l’idée qu’ils portent, c’est-à-dire leur notion de l’homme, de la société, de la morale, ne gêne nullement le fonctionnement de la société de consommation, mais au contraire l’accepte et le favorise, et, par conséquent, accepte et favorise du même coup notre conditionnement et notre dénaturation, il faut ajouter quelque chose à notre définition. Un groupe politique n’est un instrument d’éducation que s’il rejette par un refus radical la société dans laquelle il vit, le faux humanisme et la fausse morale qui sont ceux du siècle».

« Un tel groupe politique doit avoir quelque chose d’une religion … II souhaite la disparition ou la soumission des autres croyances. A ce prix seulement, il apporte une idée claire de la vie et du devoir, un instrument intellectuel qui permet de juger à tout instant les événements. Il est l’école de formation intellectuelle la plus complète parce qu’il enseigne une doctrine. Et il a des chances de s’imposer si, à un moment donné, les religions concurrentes vacillent et doutent, ce qu ‘on voit à leur empressement, généralement vain, à s’adapter et à « se mettre à jour. » »

Ce n’est pas faire injure aux différents partis nationaux, tant en France qu’à l’étranger, que de constater qu’ils sont généralement bien loin de cette définition du groupement politique nationaliste. Trop souvent,  le  souci  de  rectitude  doctrinale,  de  probité  morale, d’opposition sans concession au régime, d’exemplarité des chefs ne sont pas mis au premier plan des préoccupations de ces mouvements, quels que soient par ailleurs leurs mérites. Et même plus gravement encore l’on remarque ici ou là une fâcheuse volonté de recentrage, d’attiédissement des positions, l’absence de ligne directrice, les fluctuations dans le discours, la contamination par l’adversaire ou le souci de ne pas lui déplaire, ce qui n’empêche d’ailleurs pas la défaite d’être toujours au rendez-vous. On justifie l’amollissement du discours par la volonté d’efficacité, et à l’arrivée il y a à la fois l’échec et le reniement. Trop souvent aussi l’on emploie le vocabulaire de l’adversaire, parlant de valeurs vagues et abstraites. Or, tout le monde a des valeurs ou prétend en avoir. Nos politiciens ne portent-ils pas en bandoulière leurs fameuses valeurs républicaines ? Ce ne sont pas des valeurs qu’il faut défendre, ce sont des vertus qu’il convient de pratiquer et d’enseigner. Ce qui est autrement exigeant. Telle est la leçon politique de Bardèche qui resta d’ailleurs à l’écart des groupements électoraux tout au long de sa vie car ce n’était pas là sa mission.

Reste bien sûr qu’être nationaliste, antirégimiste aujourd’hui a un prix. Bardèche, qui n’a pas hésité à aborder quoi qu’il en coûte la question taboue du révisionnisme historique, le savait mieux que quiconque :

« L’indépendance de la pensée se paie. Elle se paie presque toujours très cher. Et nul ne peut dire si tant de sacrifices seront recueillis, ou seulement retenus, par l’insondable avenir. Il y a un pari à se faire le champion de la vérité et de la justice, et ce pari ne se gagne pas souvent. »

L’indépendance de la pensée à un prix

« Ceux que le train de ce monde ne satisfait pas, s’ils sont sincères et s’ils refusent de se taire, s’ils refusent aussi de s’affilier à quelque jésuitière tutélaire, il ne leur reste qu’à s’engager dans ces légions maudites qui furent de tout temps le dernier refuge de la liberté.

Qu’ils sachent alors qu’ils parleront pour la justice et la vérité, mais qu’ils parleront devant des portes closes, comme des mendiants auxquels on n’ouvre pas. (…) Qu’ils sachent qu’ils n’auront droit ni à la publicité polie qui récompense les carrières décentes, ni à cet avancement qu’on reçoit à l’ancienneté à force de modestie et de soumission. Qu’ils sachent qu’ils seront pauvres. Qu’ils sachent qu’ils seront seuls. (…) Qu’ils sachent tout cela, et qu’ils se lèvent : car tout ce qui a été fait en ce monde a été fait partout par eux »

écrit-il en février 1954 dans Défense de l’Occident alors qu’après six ans de procédure, il vient d’être condamné à un an de prison ferme pour la publication de Nuremberg ou la Terre promise au nom des lois réprimant la propagande anarchiste, lui qui fut toute sa vie un partisan de la discipline, de la hiérarchie et de l’ordre ! Il échappera à l’exécution de sa peine grâce au président René Coty. Comme quoi la IVe République était finalement moins haïssable que la Ve !

On a coutume de dire que les cimetières sont pleins de gens irremplaçables, Il est vrai que l’homme est bien peu de choses et qu’il est vite oublié de ses semblables, y compris de ses proches. A relire Bardèche, on s’aperçoit pourtant qu’il n’a pas été remplacé. Et que des intellectuels de cette trempe, de cette lucidité, de ce courage et de ce talent manquent terriblement dans le désert où il nous est donné de vivre.

Jérôme BOURBON


Reproduction d’un article de Jérôme BOURBON publié dans l’hebdomadaire Rivarol (n° 2869, du 1er août 2008) et à retrouver dans Les Études nationalistes (Décembre 2008).


Maurice Bardèche sur Jeune Nation


Œuvres de Maurice Bardèche :

  • Avec Robert Brasillach, Histoire du cinéma, Paris, Denoël & Steele, 1935
  • Avec Robert Brasillach, Histoire de la guerre d’Espagne, Paris, Plon, 1939
  • Balzac romancier : la formation de l’art du roman chez Balzac jusqu’à la publication du père Goriot (1820-1835), Plon, 1940 (éd. refondue en 1943) Prix Henri-Dumarest 1941 de l’Académie française
  • Lettre à François Mauriac, Paris, La Pensée libre, 1947
  • Stendhal romancier, Paris, La Table ronde, 1947
  • Nuremberg ou la Terre promise, Paris, Les Sept couleurs, 1948
  • Nuremberg II ou les Faux-Monnayeurs, Paris, Les Sept couleurs, 1950
  • L’Europe entre Washington et Moscou : texte d’une conférence tenue le  à Anvers, Steendorp, R. Troubleyn, 1951
  • L’Œuf de Christophe Colomb : lettre à un sénateur d’Amérique, Paris, Les Sept couleurs, 1951
  • Les Temps modernes, Paris, Les Sept couleurs, 1956
  • Suzanne et le Taudis, Paris, Plon, 1957
  • Qu’est-ce que le fascisme ?, Paris, Les Sept couleurs, 1961, 199 p.
  • Histoire des femmes, Paris, Stock, 1968
  • Sparte et les Sudistes, Paris, Les Sept couleurs, 1969
  • Marcel Proust romancier, Paris, Les Sept couleurs, 1971
  • L’Œuvre de Flaubert, Paris, Les Sept couleurs, 1974
  • Balzac, Paris, Juillard, 1980
  • Louis-Ferdinand Céline, Paris, La Table Ronde, 1986
  • Léon Bloy, Paris, La Table Ronde, 1989
  • Souvenirs, Paris, Buchet-Chastel, 1993

Chaque année Les Nationalistes joignent la mémoire de Maurice Bardèche à celles de Robert Brasillach et de ceux qui tombés le 6 février 1934 au cours de leur hommage du « Six-Février ».

Maurice Bardèche et le credo de l’homme blanc

« Je crois en l’homme blanc, non parce qu’il a crée les machines et les banques, mais parce qu’il a proclamé que le courage et la loyauté étaient les plus grandes qualités de l’homme.

Tout ce qui favorise et exalte les qualités viriles et chevaleresques de l’homme s’appelle civilisation : tout ce qui les dégrade et les ravale s’appelle décadence.

Tout homme, tout événement, toute situation qui aide l’homme d’Occident à être le juge entre les hommes est bon, tout homme, tout événement, toute situation qui diminuent le pouvoir de l’homme d’Occident sur les forces obscures est un malheur.

De ces principes, les esprits logiques ont pu tirer les conséquences humaines.

La défaite de l’Allemagne en 1945 est la plus grande catastrophe des temps modernes.

L’abandon volontaire de la moitié de l’Europe à un pharaonisme asiatique fondé sur l’esclavage et la terreur est un crime politique.

L’institution de la dissidence et de la rébellion comme principes de la légitimité politique ne peuvent amener dans l’avenir que d’autres dissidences et d’autres rébellions.

La campagne systématique de calomnies et de haine menée contre l’énergie, la discipline, le désintéressement est un attentat contre les valeurs les plus précieuses de la civilisation d’Occident.

L’exaltation systématique des races étrangères à l’esprit de la civilisation occidentale et la prétention de leur confier un rôle important dans la politique mondiale est un danger grave pour l’Occident et en même temps pour ces races mêmes qui sont incapables d’assumer le rôle qu’on leur destin. »

Maurice BARDECHE (Extrait de  »Défense de l’Occident » N°35, septembre 1963)

Lire également : Briser le pouvoir magique de l’ennemi : il faut choisir, être raciste ou mourir / Les cinq races de l’humanité : https://www.partinationalistechretien.com/?p=3912

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