Comme beaucoup de juives, Emmanuelle Béart a connu l’inceste.

À 60 ans, elle en fait finalement l’aveu.

L’Obs :

Veste beige, pull marron, blondeur éclatante, Emmanuelle Beart se lève dans une salle remplie d’hommes et de femmes. Une victime parmi d’autres. «J’ai 11 ans, c’est la nuit, j’en suis sûre. Tu déchires mon sommeil comme tu déchires sans bruit ma chemise de nuit. Comme si cet arrêt dans le temps, ce silence polaire te laissait tout l’espace. Et comme si déjà il était inscrit que personne jamais ne témoignerait. J’ai très froid. Aucun cri ne sort de ma bouche, les mots ne se forment pas dans ma bouche, ma bouche est cousue. Quand il fait jour à nouveau, tout semble intact, comme si de rien n’était.»

En quelques secondes, les premières du documentaire «Un silence si bruyant», qui sera diffusé sur M6 le 24 septembre, Emmanuelle Béart pulvérise quarante-cinq ans de silence. L’actrice, 60 ans en août, révèle avoir été victime d’inceste pendant quatre ans, jusqu’à l’âge de 15 ans. Elle ne dévoile pas qui est son agresseur, aucune allusion ne permet de deviner son identité. Tout juste écarte-t-elle l’hypothèse de son père, Guy, décédé en 2015, dès ces premières secondes : «Et si mon père, ma mère, mon école, mes amis ne voient rien, c’est que tout peut recommencer. Et tu recommenceras pendant quatre ans. Aujourd’hui, les séquelles restent plantées là, dans mon ADN. Mes nuits sont blanches les unes après les autres. Je hurle dans le silence comme des millions d’autres que personne n’entend.»

Une personne va savoir, du moins comprendre – et c’est l’autre principale révélation du film : sa grand-mère, Nelly, « la quintessence de la féminité et de la coquetterie », disait d’elle il y a quelques années Emmanuelle Béart, lorsque Nelly vivait chez l’actrice jusqu’à sa mort, en 2011, à l’âge de 107 ans. « Si ma grand-mère n’était pas intervenue, et si on ne m’avait pas mise dans ce train à l’âge de 15 ans pour rejoindre mon père, je ne suis pas certaine que j’aurais réussi à vivre, c’est aussi violent que ça, c’est aussi réel que ça », révèle l’actrice à la fin du film. Là non plus, on n’en saura pas davantage sur ce départ – sinon qu’il a semblé précipité, presque brutal – de Cogolin, bourgade du Var, non loin de Saint-Tropez, où Emmanuelle, l’aînée des cinq enfants, a grandi avec sa mère après la séparation des parents, Guy restant vivre en banlieue parisienne.

A Cogolin, la vie s’est déroulée d’abord dans un hameau puis dans un HLM après l’expulsion de la famille, mais toujours dans une ambiance baba cool aux allures foutraques et joyeuses. C’est en tout cas la version officielle si longtemps décrite par l’actrice. En 2021, à « Paris-Match », Emmanuelle Béart dit au sujet de cette mère militante, féministe et communiste : « Elle m’a appris à revendiquer, ne jamais se résigner. Le silence tue, cela, il faudrait l’enseigner à l’école. » Une déclaration qui résonne étrangement lorsqu’on écoute l’actrice, vers la moitié du film : « Je réalise, face à la parole des autres, que je suis l’auteure du silence autour de mon viol que j’ai voulu en vain effacer de ma mémoire et, par effet domino, effacer au sein de la mémoire de ma famille et de la société. »

« Un silence si bruyant » est donc un projet qui vient de très loin. L’actrice – qui n’a pas souhaité témoigner dans nos pages, en amont de la diffusion du documentaire -, voulait faire un film « sur l’inceste depuis l’âge de 19 ans ». Bien plus tard, c’est la lecture de Christine Angot qui l’a convaincue que ce projet est possible, mais à cette époque, elle l’envisage plutôt sous forme d’une fiction.

Puis, en 2020, alors qu’Emmanuelle Béart songe à renoncer, elle rencontre Anastasia Mikova, réalisatrice, scénariste et journaliste franco-ukrainienne, et tout bascule. Emmanuelle Béart a été bouleversée par «Woman» (2019), dans lequel Anastasia Mikova faisait témoigner 2 000 femmes sur leurs conditions de vie, notamment sur les violences sexuelles intrafamiliales. Le coup de foudre est réciproque, Emmanuelle Béart décide de réaliser un documentaire mais sans bien savoir encore quelle forme il prendra.

En janvier 2021, la déflagration provoquée par la sortie du livre de la juive Camille Kouchner, «la Familia grande», conforte les deux femmes : ça bouge, la parole se libère.

Elles lancent un appel à témoins sur les réseaux sociaux. Le résultat les laisse sans voix : en une semaine, 300 personnes répondent favorablement à la proposition de témoigner à visage découvert. Il faut trier, ne pas choisir des histoires trop proches, sélectionner celles qui incarneront le mieux les thèmes qu’elles ont retenus, dont l’action de la justice, le syndrome d’aliénation parentale, la mémoire traumatique. Elles veulent aussi qu’un des témoins soit un homme. Cinq mois plus tard, elles ont retenu quatre histoires et le tournage commence en janvier 2022.

L’intelligence et la force du film viennent des allers-retours permanents entre Emmanuelle Béart et ces témoins. A l’origine, d’ailleurs, Emmanuelle Béart n’avait pas le projet de révéler sa propre vie, et pas davantage d’apparaître à l’écran. Mais peu à peu, au gré des rencontres (les coréalisatrices sont allées voir chaque témoin plusieurs fois) se nouent une complicité et une bienveillance, chaque victime écoutant l’autre et l’alimentant avec sa propre expérience. « Ce sont ces rencontres qui l’ont convaincue de parler d’elle. Mais nous avions un accord : jusqu’à la fin du montage, Emmanuelle pouvait décider de disparaître du film. Elle a choisi d’aller jusqu’au bout de sa démarche », se félicite Anastasia Mikova.

A ces mots, Emmanuelle Béart fond en larmes : «C’est très parlant. C’est fou, même… Je me suis longtemps demandé pourquoi j’avais choisi de faire ce métier, et de le faire de cette façon-là. Mettre le corps très en avant, trop en avant, sexualiser le corps, sexualiser l’image. Et tout à coup, là, ce que vous dites. Croire qu’on ne peut être aimée que par le corps, c’est une réponse, alors excusez-moi, je ne l’avais jamais eue celle-là…»

On sent l’actrice tout aussi émue lorsqu’elle aborde la lenteur et l’efficacité de la justice. Alors que le magistrat Edouard Durand, coprésident de la Commission indépendante sur l’Inceste et les Violences sexuelles faites aux Enfants (Ciivise), s’apprête à répondre à une question d’Anastasia Mikova, Emmanuelle Béart se jette et précise : « Si l’enfant peut sortir du silence et dire quelque chose, s’il n’est pas entendu, s’il n’est pas cru, alors il peut se renfermer dans un silence éternel, avec tous les saccages que ça voudra dire pour sa construction de vie. »

En 2007, l’actrice a failli dévoiler son secret. Au magazine «Elle», qui lui demandait si elle avait déjà déclaré des choses fausses sur sa vie, Emmanuelle Béart répond : «Ce n’étaient pas vraiment des mensonges. Tu brodes, tu imagines, tu fantasmes. Tu inventes un passé harmonieux qui explique pourquoi tu as l’air bien. Pour protéger, pour ne pas faire de mal […] à mes parents, à mes frères et sœurs. Parce qu’il y a certaines choses de mon enfance que je ne peux pas dire. Parce que, justement, tout n’était pas harmonieux.» «Aujourd’hui, vous pouvez en parler ?», relance la journaliste. «Dans mon enfance, il y a une blessure de chair. Inguérissable. Je n’en dirai pas plus. Et puis, comme c’est souvent le cas lorsqu’on est enfant, au lieu de me sentir victime, je me sentais coupable…»

Seize ans après ce quasi-aveu, Emmanuelle Béart s’est enfin libérée de son secret. «Je ne pouvais plus me taire et je les [les témoins du documentaire, NDLR] en remercie. […] Ce film existe. Je ne sais pas encore quelles répercussions il aura sur moi, mais je sais que je l’ai fait aussi par amour pour l’enfant que j’ai été.»

Ce témoigne de la juive Emmanuelle Béart (Behar-Hassoun) reste volontairement mystérieux, mais on note que ce sont deux autres juives, Christine Angot (Schwartz) et Camille Kouchner (Kushner), qui ont contribué à cette « prise de parole ».

Ce thème a été et demeure un très grand thème de la littérature juive.

Un autre juif, Serge Gainsbourg (Ginsburg) en a fait une chanson, ainsi qu’un clip très pénible à regarder.

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Le documentaire d’Emmanuelle Béart ne parle pas de « l’inceste » en général, mais de l’inceste au sein des communautés juives.

Toutes les familles juives ne pratiquent pas l’inceste, mais l’incidence de l’inceste est beaucoup plus élevée chez elles que chez les familles non-juives. Si certains juifs en éprouvent des traumatismes, d’autres au contraire ont aimé la pratique de l’inceste, voire la revendiquent, ce qui est le plus troublant dans la littérature juive.

Hervé Ryssen a levé le voile sur cette dimension méconnue de l’identité juive dans «Les juifs, l’inceste et l’hystérie». Hervé Ryssen cite in extenso les nombreux écrivains ou cinéastes juifs qui ont évoqué cette question dans leurs oeuvres.

Un documentaire a été réalisé sur le sujet :

Source : https://dempart.digital/la-juive-emmanuelle-beart-avoue-avoir-connu-linceste/

Lien vidéo : Helgoriak

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